Quelques extraits de ce livre, essentiel parce qu’il met parfaitement en lumière la base matérialiste de l’oppression des femmes: l’appropriation de leur travail non rémunéré, reproductif, et domestique, et de leur sexualité. Et le fait qu’en conséquence, le capitalisme ne pouvant se permettre de salarier cet indispensable travail féminin non rémunéré, il ne peut exister indépendamment du patriarcat.
« Jusqu’ici, les seules productrices d’êtres humains sont les femmes et leur utérus. Jusqu’ici, les hommes, et spécifiquement les capitalistes, à leur grand regret, ont été incapables de se libérer de leur dépendance à l’utérus. (à titre de compensation, ils ont créé Dieu, l’Entrepreneur, l’Homme). Et puisque, jusqu’ici, il n’y a eu aucun substitut pour remplacer l’utérus, les femmes, en tant que porteuses d’utérus, sont devenues le premier peuple sur lequel les hommes ont dû établir leur contrôle–et sera le dernier que les hommes renonceront à contrôler. Les hommes en général (et les capitalistes en particulier) ne peuvent pas abandonner leur contrôle sur la procréation, parce que c’est le processus de production le plus important, celui qui produit le plus important des moyens de production, la force de travail. En fait la capacité de produire des enfants n’a probablement jamais joué un rôle aussi central dans l’histoire que sous notre système actuel. Parce qu’aucun autre système n’a été aussi dépendant d’une massive destruction de la nature et de la force de travail humaine… Le capital est insatiable: il veut tout ce que la nature peut offrir, et il veut infiniment plus. »
« Les femmes et les peuples assujettis sont traités comme s’ils n’appartenaient pas à la société proprement dite, telle que constituée de travailleurs salariés masculins et de capitalistes. En réalité, ils sont traités comme des moyens de production ou des « ressources naturelles » telle que l’eau, l’air et la terre. La logique économique derrière cette colonisation est que les femmes (en tant que « moyens de production » de la production d’êtres humains), sont des biens qui ne peuvent absolument pas être produits par le capitalisme. Le contrôle sur les femmes et sur la terre est par conséquent le fondement de tout système d’exploitation. Comme il est capital de posséder ces « moyens de production », la relation avec eux est donc essentiellement l’appropriation: les femmes et les colonies sont appropriés comme « ressources naturelles »….Le concept de nature, qui est apparu avec le développement du capitalisme, était basé sur une définition économique de la nature: tout ce qui ne coûte rien, c’est à dire qu’on peut librement s’approprier sans limite a été défini comme « nature ». Cela incluait alors les femmes, la terre, l’eau, les autres « ressources naturelles », et les peuples colonisés et leurs terres.Et le moyen omniprésent pour maintenir cette relation d’appropriation est la violence…. Tout comme la « naturalisation » des colonies n’a pas été obtenue par des moyens pacifiques mais a été basée sur l’usage à grande échelle de la violence et de la coercition, le processus de domestication des femmes européennes (et plus tard nord-américaines) n’a pas été pacifique ni idyllique. Les femmes n’ont pas volontairement remis le contrôle de leur propre productivité, de leur sexualité et de leurs capacités reproductives à leur maris et à l’église et à l’Etat. C’est seulement après des siècles d’attaques extrêmement brutales contre leur autonomie sexuelle et productive que les femmes européennes sont devenues des « femmes au foyer » domestiquées et dépendantes: la chasse aux sorcières en Europe est le pendant des raids esclavagistes en Afrique. »