s
De la gauche pro-nazie aux islamo-gauchistes:
LA COLLABORATION ET SES INVARIANTS
Par Francine Sporenda
Si on connaît un peu l’histoire des années de la « montée des périls » (les années 1930), on constate que, face à l’islamisme, des pans entiers de la gauche actuelle adoptent des discours qui font étrangement écho à ceux des personnalités et militants de gauche qui, il y a 80 ans, se laissèrent entraîner dans l’orbe des fascismes.
Voici quelques similarités relevées au fil de mes lectures:
– l’auto-flagellation masochiste: pour toute une partie de la gauche des années 30, en particulier les pacifistes radicaux, c’est la France et non l’Allemagne qui était responsable de la montée du nazisme. Parce que, selon eux, les clauses draconiennes du Traité de Versailles (qui avait mis fin à la Première guerre mondiale) avaient humilié et ruiné l’Allemagne et poussé toute une génération d’Allemands au désespoir—et dans les bras du national-socialisme. « Nous avons refusé à l’Allemagne le droit de vivre », écrivait typiquement Gaston Bergery, plus tard une des têtes pensantes de la collaboration vichyssoise.
Oubliant que c’est essentiellement l’impérialisme expansionniste du Reich et sa volonté de déplacer des frontières à son avantage qui sont derrière le déclenchement de la Première guerre mondiale et que les pénalités, en particulier financières, imposées à l’Allemagne par le Traité de Versailles n’étaient que la conséquence de cet expansionnisme .https://fr.wikipedia.org/wiki/Controverse_Fischer.
Réparations financières que l’Allemagne s’est d’ailleurs largement abstenue de régler, et ce bien avant d’être frappée par la crise économique de 1929, jusqu’à ce que ces paiements soient finalement suspendus en 1932 ; (c’est en représailles à ce défaut de paiement que la France a occupé militairement la Ruhr, le coeur économique de l’Allemagne, en 1923.)
Les islamo-gauchistes actuels expliquent pareillement la montée de l’islamisme par les ingérences militaires occidentales en Irak ou ailleurs. Oubliant (ou ignorant) que l’invasion américaine en Irak était une (mauvaise) réponse à 9/11 et que l’islamisme a une dynamique belliqueuse interne, découlant de l’impératif religieux de la da’wa, obligation pour les croyants de la prédication et de la conversion universelle, par le djihad armé si besoin est.
Les islamistes eux-mêmes (dans un article intitulé « By the Sword » paru dans un récent numéro du magazine de Daesh, Dabiq) réfutent cette explication: «si vous arrêtiez de nous bombarder, de nous jeter en prison, de nous torturer, de nous humilier et de vous emparer de nos terres, nous continuerions de vous haïr, parce que le motif premier de notre haine ne disparaîtra pas tant que vous n’aurez pas embrassé l’islam. Même si vous deviez payer le jizyah [impôt pour les infidèles] et vivre sous l’autorité de l’islam dans l’humiliation, nous continuerions à vous haïr ».
Mais ces mises au point très claires des islamistes eux-mêmes ne dissuadent pas une certaine gauche de décoder le développement de l’islamisme comme une simple réaction aux interventions occidentales : comme si tout ce qui se passe dans le monde arabe tournait autour de nous –vision aussi ingénument européo-centrée que paternaliste.
Cette délectation masochiste à se vautrer dans la culpabilité s’accompagne–en particulier chez certains intellectuels—d’une fascination secrète pour la force brutale et d’une attirance quasi-sexuelle pour la virilité des « barbares » ; cette dimension masochiste de la position collaborationniste avait déjà été soulignée par Jean-Paul Sartre (1).
– l’appeasement: dans la deuxième partie des années 1930, une partie importante des intellectuels, des politiciens et des faiseurs d’opinion issus de la gauche (surtout de la SFIO, des néo-socialistes style Déat, des radicaux de gauche et des syndicalistes) soutenait une politique d’appeasement face au nazisme. Ce choix était en partie explicable par le pacifisme inconditionnel des hommes de la « génération des tranchées » qui avaient survécu à la boucherie de la Première guerre mondiale: leur obsession, c’était de « faire la guerre à la guerre » et le « plus jamais ça ». C’est cet ultra-pacifisme qui a amené certains à proclamer un défaitisme provocateur : « plutôt la servitude que la guerre, parce que de la servitude, on revient, alors que de la guerre, on ne revient jamais » (déclaration du secrétaire général du syndicat des postiers, Mahé). Des pacifistes ont aussi donné dans l’antisémitisme, souscrivant à la théorie du « complot juif va-t’en guerre ».
De cette priorité absolue donnée à la paix à tout prix découle l’aveuglement de nombreux hommes de gauche face à la volonté de puissance manifeste de l’Allemagne nazie : selon eux, il fallait tout accepter pour sauver la paix, même de ne pas se défendre si l’on était attaqué, même la vassalisation. Et alors que les troupes allemandes du Blitzkrieg déferlaient sur la France sans presque rencontrer de résistance, ils continuaient à exiger dans le vide la « paix immédiate », comme si Hitler allait se soumettre à leurs incantations dérisoires.
Cette gauche a manifesté son « lâche soulagement » lors des accords de Munich signés par Daladier avec Hitler en 1938, croyant ainsi, en validant le dépeçage de la Tchécoslovaquie, « avoir évité la guerre au prix du déshonneur » (Churchill). Mais cette capitulation en rase campagne n’a fait que reculer l’échéance de l’affrontement avec le nazisme, et l’erreur des Munichois pacifistes est d’avoir ignoré une notion élémentaire de sens commun: pour faire la paix, il faut être deux. Refusant de voir que les visées belliqueuses et expansionnistes de Hitler étaient indépendantes de leur comportement, ils ont considéré qu’on pouvait sauvegarder la paix en appliquant à son égard une politique de conciliation.
– les concessions: ces appeasers occidentaux sont partis du principe qu’on pouvait négocier rationnellement avec Hitler, faire confiance à ses engagements et signer avec lui des accords limitant l’expansionnisme allemand en échange de certaines concessions. Une fois les nazis au pouvoir, et pour donner à Hitler des gages prouvant la sincérité de la volonté française d’établir des relations pacifiques avec ses voisins d’outre-Rhin, certains hommes de gauche sont allés jusqu’à proposer le désarmement unilatéral de la France—ce qui, face à une Allemagne qui s’armait à marche forcée et avait rétabli la conscription—était une position véritablement suicidaire.
Et lorsque les vélléités annexionnistes du Führer se sont précisées, la position des appeasers a été qu’on devait sacrifier les petites nations de l’Est de l’Europe (Tchécoslovaquie, Pologne etc) aux appétits hitlériens de « lebensraum ». Et qu’on devait aussi tolérer la persécution systémique des Juifs par l’Allemagne nazie. La course aux concessions—parfois même pas exigées par les nazis—a continué après la victoire allemande et l’occupation du territoire français : surenchère dans la persécution des Juifs, propositions collaborationnistes de combattre aux côtés des troupes allemandes, rafles de la Milice pour aider le STO (Service du Travail Obligatoire) à envoyer des jeunes français travailler dans les usines du Reich, etc., toutes ces concessions étaient censées valoir à la France un « traitement de faveur » de la part des nazis–que ceux-ci n’ont jamais eu l’intention de lui accorder puisque, dans leur vision de l’Europe, la France ne pouvait être qu’un Etat-satellite de l’Allemagne.
Ce que les historiens ont retenu de cette période de montée du nazisme, c’est que, Hitler ayant procédé par coups de force successifs, (le premier coup de force majeur étant la réoccupation de la zone démilitarisée de Rhénanie en 1936), les concessions répétées faites à l’expansionnisme nazi, loin de le contenir, ont eu le résultat inverse : Hitler a déchiffré ces reculades comme la preuve que les pays occidentaux étaient faibles et incapables de se défendre, et le manque de réaction de la France et de la Grande-Bretagne à ses agressions initiales a été le feu vert donné à la poursuite d’une stratégie expansionniste prouvée aussi profitable que sans risques.
Même pusillanimité, même aveuglement et mêmes illusions irénistes des leaders politiques européens vis-à-vis de l’islamisme: ne connaissant rien à l’islam et ne se donnant même pas la peine de se documenter sur cette religion (François Fillon et Nicolas Sarkozy reconnaissent ne pas avoir lu le Coran), ils sont incapables d’appréhender la vocation foncièrement expansionniste, universaliste et conquérante de l’islamisme (ou islam littéral), pourtant énoncée clairement dans ses textes sacrés. Eux aussi sont prêts à tous les abandons pour préserver la paix sociale, le fameux « vivre ensemble–alors que justement, les islamistes n’en veulent pas et préfèrent vivre à part. Ils pensent qu’en multipliant les « accommodements raisonnables » face au « revendicationnisme » des islamistes et en acceptant leurs violations répétées des lois et des principes républicains, on pourra les amadouer : la bête se calmera quand elle sera rassasiée, il faut lui donner quelque chose (ou quelqu’un) à manger.
Bien évidemment, il n’en est rien, c’est le contraire qui se produit : ces concessions à perpétuité sont également reçues par les islamistes comme un encouragement à poursuivre leur stratégie de prise de contrôle d’un nombre croissant de territoires où ils imposent leurs règles religieuses, face à une République qui laisse faire et n’ose plus défendre ses lois. Et dans ce contexte, les « accommodements raisonnables » se font souvent sur le dos des femmes: acceptation du voilement, de la ségrégation sexuelle, de l’excision, du mariage forcé, de la polygamie, des tribunaux shariatiques etc—leurs droits sont devenus la variable d’ajustement des appeasers du XXIème siècle.
Et ces accommodements se font aussi sur le dos des Juifs, inévitablement : le vieil antisémitisme islamique, éventuellement codé en antisionisme, est devenu tout à fait fréquentable à gauche, à tel point qu’il constitue un des « marqueurs identitaires » du Labour corbyniste et d’une partie de la gauche de la gauche française. Le problème d’antisémitisme du Labour a été maintes fois abordé par la presse anglaise, au point qu’une commission d’enquête a été nommée, et que près de 6 000 membres du parti seraient concernés par ces accusations. Il y a à gauche une libération de la parole antisémite, des politiciens du Labour et leurs alliés islamistes n’hésitent plus à proférer en public des remarques recyclant les thèmes classiques de la propagande antisémite: mythes de la toute-puissance juive (« ils sont partout ») et du complot juif international, voire du pain azyme confectionné avec du sang d’enfants chrétiens et des puits empoisonnés par les Juifs. (2) Ce retour du refoulé antisémite touche aussi la gauche française, et des personnalités d’extrême-gauche ont tenu des propos limites.
Identiquement, ces accommodements impliquent de nouveau le sacrifice des petits peuples : ici, les minorités ethniques et religieuses du Moyen-Orient ; on entend peu les protestations de l’extrême-gauche sur le massacre des Kurdes par Erdogan et sur celui des Yezidis par Daesh, etc.
–inversion de responsabilité : des groupes dominateurs et expansionnistes sont présentés comme des opprimés. Dans le discours de certains pacifistes et des fascistes français des années 1930, lui-même repris du discours nazi, les Allemands étaient présentés comme un peuple victime: trompée par la duplicité britannique, spoliée par les clauses de traités iniques, l’Allemagne aurait été vaincue par trahison (la « Dolchstoss Legend »), rançonnée par ses vainqueurs et abusivement amputée de certains de ses territoires. Donc—si l’on adhérait à cette version–lorsqu’elle s’est mise à envahir certains pays, elle ne faisait que réclamer ce qui lui revenait de droit. Des populations germanophones et/ou considérées comme « racialement » allemandes mais vivant hors de l’Allemagne (les Sudètes en Tchécoslovaquie, les Alsaciens, les Autrichiens, travaillées par des agents nazis) étaient décrites comme des minorités opprimées que l’Allemagne ne faisait que libérer en les annexant, éventuellement après avoir amusé « démocratiquement » la galerie en organisant des référendums truqués donnant 99% de votes « pour ».
Ce thème de la victimisation imaginaire a aussi été développé dans la propagande antisémite nazie : les persécutions y étaient présentées comme des mesures nécessaires pour protéger une nation attaquée, minée de l’intérieur par la corruption juive. Si les Allemands étaient en butte à un « complot juif » qui avait pour objectif d’investir insidieusement toutes les sphères de pouvoir jusqu’à la domination totale des Germains par les Sémites, les lois antisémites et la solution finale n’étaient de leur part que de la légitime défense : on justifiait des atrocités bien réelles au nom d’une menace imaginaire.
On retrouve cette revendication victimaire et cette inversion de responsabilité dans le discours actuel de l’extrême-gauche sur l’islamisme. Et dans ce discours, cette inversion s’articule autour de la place de « damnés de la terre » laissée vacante par le prolétariat occidental suite à l’échec du marxisme : cette gauche se donne toujours pour vocation de défendre les perdants du système mais elle a transféré ce statut de classe opprimée aux populations « musulmanes » –cf le rapport de Terra Nova de 2011—(donnant à ce concept de classe opprimée une définition culturelle, et non plus économique comme dans la théorie marxiste). Une rhétorique s’est développée à leur propos, avec des éléments de langage tels que « exclusion », « stigmatisation », « ségrégation » utilisés pour expliquer la violence des terroristes (le fait que la ségrégation puisse être voulue par des groupes sous influence islamiste n’étant pas envisagé, bien que le Coran comporte des versets interdisant aux croyants de s’associer avec des mécréants).
Des porte-parole de ce type de discours, comme Clémentine Autain, affirment que ce sont les injustices et les inégalités qui susciteraient la radicalisation islamiste—et celle-ci va même, pour combattre Daesh, jusqu’à préconiser « plus de services publics, plus de solidarité » !!! (dommage que l’on n’ait pas pensé à la solution des services sociaux pour stopper Hitler). Des sociologues déchiffrent le passage à l’acte terroriste comme procédant non pas d’une motivation religieuse mais d’une révolte brute et apolitique d’individus poussés à bout par un système qui les écrase, et qui ne se retrouvent dans l’islamisme que parce que celui-ci leur apparaît comme le véhicule le plus efficace pour exprimer leur révolte.
Ces explications socio-économiques du passage à l’islamisme, comme la thèse de l’«islamisation de la radicalisation », ignorent le fait que, s’il y a effectivement des terroristes qui viennent de milieux défavorisés, c’est loin d’être le cas pour la majorité d’entre eux, tant en France que dans le monde : selon l’étude récente de la Banque mondiale, près de la moitié des recrues de Daesh ont fait des études secondaires, ¼ ont fait des études universitaires. « Nous avons trouvé que le groupe Etat islamique n’est pas allé chercher ses recrues étrangères parmi les pauvres et les moins bien formés, mais plutôt le contraire», constate la Banque mondiale dans ces travaux basés sur la fuite de données internes de l’EI portant sur 3 803 recrues » (3). En ce qui concerne les pays du Moyen-Orient ou du Maghreb, des études ont mis en évidence que les islamistes étaient principalement issus des classes moyennes et supérieures et que la réceptivité à la propagande islamiste augmentait en fonction du niveau d’éducation (4).
De plus, considérer que l’adhésion à une idéologie est rigidement dictée par l’origine de classe est un reliquat de l’économisme marxiste qui n’a plus cours qu’à l’extrême-gauche—et encore. En France, l’attraction vers l’islamisme n’est pas prioritairement une question de classe sociale, mais de culture: bien que l’islam radical séduise un certain nombre de convertis, la majorité de ses recrues proviennent des populations de « culture musulmane » : on « choisit » avant tout cette cause si on est exposé à une culture familiale et à un environnement socio-culturel musulmans. Si tant d’autres jeunes de culture non-musulmane qui ne sont pas plus favorisés économiquement ne virent pas djihadistes pour autant, c’est parce que la cause principale du passage au terrorisme de certains jeunes Français n’est pas leur supposé statut d’«exclus » mais au contraire, leur appartenance préalable à un groupe de « culture musulmane » ou, dans le cas de convertis, leurs contacts/admission dans de tels groupes qui opèrent leur endoctrinement.
En termes clairs, les terroristes français ne deviennent pas terroristes parce qu’ils sont exclus, mais au contraire parce qu’ils sont inclus : intégrés à des groupes (famille ou milieu social) encore imprégnés d’une tradition religieuse, l’islam qui, même s’ils l’ont négligée ou abandonnée, peut être ré-activée chez eux à tout moment (comme dans le cas des born again christians qui redécouvrent un jour la religion de leurs ancêtres). Et de plus, cette appartenance initiale fait d’eux des cibles préférentielles pour la radicalisation, parce que la priorité stratégique des islamistes est la ré-islamisation des « musulmans » intégrés, laicisés et occidentalisés, que cette laicisation est apostasie donc inacceptable à leurs yeux, qu’ils refusent que ces « musulmans » putatifs puissent sortir de l’islam et qu’ils mettent tout en œuvre—honte, culpabilisation, menaces–pour les ramener dans le droit chemin.
Et accessoirement, et contrairement à ce que prétendent des analystes de la radicalisation islamiste, la démarche par laquelle on devient terroriste n’a rien à voir avec celle des jeunes gens de tous les pays qui se sont engagés dans la Guerre d’Espagne à partir de 1936: les apprentis djihadistes se battent pour une cause régressive dont le but est de ramener sous le joug d’une religion obscurantiste et d’un califat totalitaire des populations issues de l’immigration vivant en démocratie, et comme telles bénéficiant de libertés et de droits appréciables. Alors que la cause qu’avaient embrassée les engagés des Brigades internationales était idéologiquement l’antithèse du djihadisme : sauver une démocratie issue du suffrage universel renversée par un dictateur, lutter contre la religion et l’obscurantisme. Renvoyer ainsi dos à dos ceux qui se battaient pour la liberté et ceux qui se battent contre elle—et postuler que les défenseurs de la République espagnole auraient aussi bien pu s’engager du côté fasciste, c’est insulter leur mémoire–et faire preuve d’un relativisme moral inquiétant.
Enfin, la version de l’islam à laquelle se rattachent essentiellement les terroristes est celle du wahabisme hanbalite, lui-même né et/ou religion d’Etat dans des pays qui sont parmi les plus riches du monde, l’Arabie saoudite et le Qatar, ce-dernier se rangeant au numéro 1 du GOP mondial per capita (5). Ces deux pays financent des centaines d’organisations islamistes, de mosquées et d’écoles coraniques partout dans le monde : contrairement aux clichés misérabilistes de certains sociologues, les islamistes ne sont pas des individus isolés et sans appuis : leur adhésion à cette version de l’islam leur permet au contraire d‘intégrer et d’avoir derrière eux des réseaux puissants ayant des ramifications dans le monde entier appuyés par des ressources financières énormes. Sans parler de leur appartenance à l’oumma, une communauté démographiquement dynamique forte d’environ 1,6 milliards de croyants, dont le nombre ne cesse de croître et qui croît même plus vite que le nombre de chrétiens. L’islam radical, Frankenstein lancé à la conquête du monde par les pétromonarchies moyen-orientales, ne se serait pas répandu sans le financement de ces Etats richissimes et, sans ce financement, le wahabisme serait probablement resté confiné au royaume des al Saoud : contrairement à l’image d’Epinal propagée les islamo-gauchistes, les foules islamisées ne sont pas les héritières du prolétariat marxiste, et l’islamisme n’est pas la cause des pauvres et des opprimés mais la cause de riches despotes manipulant les classes moyennes (et une minorité de pauvres) .
Dans une vision globale de la sociologie de l’islam radical, l’assimilation systématique entre islamistes et opprimés non seulement ne résiste pas à l’analyse mais apparaît en fait comme une inversion de réalité majeure : dans la vulgate islamistophile des assassins d’innocents endoctrinés avec l’argent des milliardaires du Golfe sont réinventés en exclus, en victimes voire en « combattants de la liberté ».
On note enfin, que de même que le collaborationnisme le plus radicalement pro-nazi a majoritairement recruté ses leaders et ses militants à gauche (Doriot, Déat, Luchaire, Drieu la Rochelle, Bergery, et même Laval à Vichy, des syndicalistes et des communistes), le collaborationnisme islamiste recrute essentiellement à gauche. On peut là aussi invoquer le poids de certaines constantes historiques : la tradition d’un antisémitisme de gauche bien implanté en France, l’anti-démocratisme d’une gauche de la gauche pas encore affranchie de ses schémas totalitaires, l’anticapitalisme que certains militants de gauche croient retrouver (à tort) dans l’islam radical, tandis qu’ils partagent indubitablement avec lui l’anti-américanisme.
Mais il y a aussi une autre tradition de gauche : la gauche républicaine, tolérante, pluraliste, attachée à la démocratie et aux droits humains, celle qui s’est battue pour la laïcité, pour Dreyfus, pour l’instruction pour tous, contre l’obscurantisme —la gauche de Jaurès, de Blum et de Mendès-France. Clairement, cette gauche libérale a doublement perdu la bataille : d’abord parce que le ralliement de militants de gauche à l’islamo-gauchisme s’accélère, y compris à l’intérieur du Parti socialiste. Mais surtout parce que l’islamo-gauche défend tout ce qu’elle a autrefois combattu–la présence envahissante des religions dans l’espace public, l’antisémitisme– et attaque ce qu’elle a défendu–les droits des femmes, le droit à la critique des religions. Ce qui fait de cette nouvelle/ancienne gauche un vecteur essentiel des progrès des islamistes en France : en leur servant de « caution morale » par sa validation des musulmans comme « nouveaux opprimés », en mettant à leur disposition ses réseaux d’influence et en normalisant leurs idées.
Dans ce ralliement au « fascisme vert », c’est la tradition de la gauche à surmoi totalitaire qui est subliminale–parce que, entre extrême-gauche et fascisme, il a été observé qu’il y a des parentés idéologiques : « il existe…des passerelles entre la gauche et le fascisme : une même volonté d’organiser les masses, des haines analogues contre le libéralisme, le capitalisme…, un impérieux désir de refonte sociale, une commune survalorisation de l’activisme » (6). On a vu comment, dans les années 1930, le glissement de la gauche au fascisme fut facile pour un certain nombre de leaders politiques, de syndicalistes et d’intellectuels.
De nos jours, dans ce ralliement gauche-islamisme, c’est l’affinité gauche-fascisme qui est le chaînon manquant : comme le souligne Philippe Burrin, « il est plus facile pour un militant syndicaliste ou communiste de devenir fasciste qu’à un libéral démocrate, il y a des affinités, la distance est moins grande » (7). Dans les années 1930-40, la gauche a pu servir d’incubateur et de rabatteur aux fascismes parce que les militants qui transitaient par ces mouvements y étaient pré-formatés aux dogmes fascistes : anti-démocrates, anti-américains, parfois antisémites, et ayant foi en un projet universaliste. Une partie de la gauche actuelle fonctionne toujours sur ces vieux réflexes et semble avoir repris le même rôle d’incubateur et de recrutement au bénéfice de l’islamisme.
Jean-Paul Sartre, dans son texte « Qu’est-ce qu’un collaborateur », affirme que la collaboration n’est le propre d’aucune classe sociale ni d’aucune affiliation politique en particulier. C’était vrai pour la collaboration pro-nazie (où la droite, en particulier à Vichy, a tenu une place importante). Mais—et c’est une différence dans cette pluralité de similarités–cela n’est plus vrai pour le fascisme islamiste : s’il est incontestable que le clientélisme communautariste concerne un nombre important de politiciens de droite, la collaboration idéologique avec l’islamisme, le démantèlement des droits des femmes et de la laïcité et la normalisation de l’antisémitisme qui en découlent, c’est désormais essentiellement à gauche que ça se passe.
Mots-clés : islamisme, islamo-gauchisme, appeasement, accomodements raisonnables, antisémitisme, inversion de responsabilité, fascismes, gauche de la gauche, exclusion, radicalisation.
- Qu’est-ce qu’un collaborateur ? » (Situations III) .
- http://www.huffingtonpost.com/entry/uk-labour-anti-semitism-scandal_us_57235e3be4b0b49df6ab0002
- http://www.lefigaro.fr/international/2016/10/06/01003-20161006ARTFIG00124-le-niveau-d-education-des-recrues-etrangeres-de-l-etat-islamique-est-plus-eleve-qu-attendu.php
- http://www.mezetulle.fr/le-terrorisme-est-il-larme-des-pauvres/
- https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_countries_by_GDP_(PPP)_per_capita
- « La Collaboration, à gauche aussi », Rémy Handtourzel et Cyril Buffet
- « La dérive fasciste », Philippe Burin