Sur Facebook, une jeune femme affirme que l’oppression que subissent les femmes est purement une oppression de classe. Selon elle, quand on vivra dans une société sans classes, les femmes ne seront plus opprimées, donc inutile de perdre votre temps avec le féminisme, militez dans un mouvement marxiste.
Pour une analyse approfondie de l’économie domestique et du travail gratuit des femmes sur laquelle elle repose, je renvoie aux livres de Christine Delphy, en particulier le dernier, « L’exploitation domestique ».
Mais même sans lire ces livres de référence, de simples considérations d’évidence permettent de réfuter cette thèse absurde.
Est-ce que c’est le capitalisme qui a inventé le viol, le harcèlement sexuel, les violences conjugales, l’inceste, la pédophilie, l’excision, les mariages forcés, les maternités contraintes, la prostitution, etc.?
Est-ce seulement depuis que le capitalisme existe que les femmes sont exclues des postes décisionnels politiques et économiques, que les tâches de soin aux autres les plus ingrates et répétitives leur sont réservées et que leurs rémunérations sont inférieures à celles des hommes?
Est-ce à cause du capitalisme que le travail qu’elles fournissent pour les taches domestiques, le soin des enfants, la charge mentale, le travail reproductif, le travail émotionnel et le service sexuel dans le couple hétérosexuel etc. ne leur est pas payé? Est-ce pour le capitalisme qu’elles font les courses, cuisinent, lavent les vêtements, repassent, passent l’aspirateur, ont des rapports sexuels qui ne leur procurent pas de plaisir? (certes, le capitalisme qui a besoin d’une force de travail en bonne santé en bénéficie indirectement).
Bien sûr que non, toutes ces violences, ces discriminations et cette exploitation existent depuis des millénaires. Le capitalisme les accentue–mais il n’est lui même, dans sa démarche d’exploitation universelle, vampirique et destructrice de la planète, qu’une expression moderne et exacerbée du patriarcat. La première et la dernière ressource exploitée par ce système, c’est les femmes. C’est elles qui sont historiquement la première catégorie dominée, et des historien-nes voient dans le servage des femmes qui fonde l’institution du couple hétérosexuel (entretien assuré contre travail non rémunéré) le modèle de cet autre très ancien système d’exploitation, l’esclavage.
Le corollaire de ce postulat de l’exploitation des femmes comme pur phénomène de classe, c’est–comme le propose cette jeune marxiste– qu’on peut laisser tomber le féminisme car les partis et les hommes de gauche se chargeront de notre libération. Autre aberration, au cours de l’histoire, la gauche et les syndicats se sont presque toujours opposés farouchement au progrès des droits des femmes: en France, le Parti communiste s’est opposé pendant des décennies à l’avortement, à la pilule –dangereuse invention du capitalisme américain–et bien sûr, au féminisme–mouvement de bourgeoises privilégiées–et il n’est pas clair que ça ait beaucoup changé. Mais bien sûr, on imagine bien pourquoi les hommes seraient ravis que les femmes se déchargent de la responsabilité de leur émancipation sur eux et se désintéressent du féminisme…
#nemeliberepasjemencharge