Sur Facebook, un homme accuse les femmes qui ont parlé suite à #balancetonporc de vouloir instaurer un matriarcat. Vieille ritournelle masculiniste. Selon les « men’s rights activists », le matriarcat serait même déjà advenu, les femmes auraient pris le pouvoir. Fantasmes paranoiaques propagés pour occulter la réalité des innombrables inégalités, discriminations et violences qui continuent à définir la condition féminine.
D’abord, non, désolée de vous décevoir, #balancetonporc n’est pas une tentative de prise de pouvoir matriarcale, c’est un effort pour libérer les femmes d’une des manifestations les plus détestables du contrôle patriarcal: le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles. Confondre délibérément le fait de vouloir se libérer d’une dictature avec le désir d’en instaurer une est parfaitement spécieux.
Mais surtout, le matriarcat n’est pas la réponse symétrique au patriarcat, –au sens où les femmes prendraient le pouvoir sur les hommes. Ce type de société n’a jamais existé. Et c’est d’ailleurs typiquement masculin de ne pouvoir concevoir le projet féministe qu’en termes d’inversion du rapport de force hommes/femmes: « les féministes vont traiter les hommes comme les hommes traitent les femmes », une dictature des femmes va remplacer la dictature des hommes. Les hommes patriarcaux sont à ce point incapables d’imaginer un système qui ne soit pas oppressif qu’ils prêtent aux féministes l’intention de reproduire leur oppression: ils projettent sur nous les schémas fonctionnels de la masculinité hégémonique.
Ce que veulent les féministes, c’est d’abord la fin de la domination masculine, mais surtout la fin de toute forme de domination d’une catégorie sur une autre. Nous ne voulons absolument pas remplacer un système de domination par un autre, nous ne voulons pas des modes de fonctionnement patriarcaux: ces hiérarchies basées sur la lutte de tous contre tous, la violence, le terrorisme sexuel, la compétition enragée, l’exploitation intensive des êtres et de l’environnement, l’individualisme forcené, le mépris de l’intérêt collectif. Ces attitudes qui sont au fondement du patriarcat sont intrinsèquement destructrices, c’est tout ce que nous dénonçons, et il est imbécile ou « phallacieux » de nous accuser de vouloir les reprendre à notre compte.