Je ne comprends pas l’aveuglement des progressistes et des féministes qui justifient la « liesse » footballistique, le délire collectif assaisonné d’alcool, de bagarres et d’incendies de voitures, qui salue une victoire de l’équipe nationale en Coupe du monde.
J’ai rappelé que, pour les femmes, la Coupe du monde, ça signifie forte recrudescence des violences « conjugales » (c’est à dire masculines), et des viols prostitutionnels, y compris sur des mineures: on sait qu’un des rites de male bonding d’après-match, c’est d’aller au bordel en groupe. Pour les defenseurs-euses des droits des animaux, l’abattage de milliers de chiens en Russie, pour que les zones footballistiques soient « nettoyées » des animaux errants. Pour les personnes qui défendent les Droits humains, le fait que cette Coupe du monde permet à un dictateur sanglant de redorer son image.
Si l’on peut comprendre qu’on puisse aimer jouer au foot et regarder un match de foot, le délire cocardier qui suit les victoires des équipes nationales est injustifiable et d’une stupidité affligeante.
L’équipe française va aller en finale. Donc vous vous sentez flatté et valorisé par ce succès, vous avez l’impression que le triomphe de cette douzaine de sportifs richissimes rejaillit sur vous–juste parce que vous êtes Français comme eux? Parce que vous partagez la même nationalité, vous pensez que quand ils gagnent, vous gagnez aussi?
Illusion de faire partie de la même communauté que ces people prestigieux: qu’est ce qu’il y a de commun entre des multimillionnaires globalisés et les Français ordinaires? A la fin du match, ils rentrent dans leurs résidences de luxe, vous restez dans votre HLM. Pendant que vous jouissez de ces victoires par procuration, vous oubliez que votre salaire ou votre pension est si insuffisant que vous êtes dans le rouge dès le 15 du mois, que votre CSG va augmenter, idem pour les taxes locales, le gaz etc, qu’il y a de moins en moins d’argent pour les hopitaux et le secteur public en général. Pendant que vous hurlez votre enthousiasme devant la télé, le gouvernement est en train de vous rouler discrètement dans la farine.
Le sport est , comme la religion, l’opium du peuple, un instrument de contrôle des masses: donnez leur du pain et des jeux, elles se tiendront tranquilles. Faites les rêver, et surtout excitez leur fibre nationaliste: quand l’équipe française gagne contre l’équipe belge ou croate, même les plus losers des supporters se sentent comme des vainqueurs. Même shoot de supériorité compensatoire que celui que les petits blancs tout au bas de l’échelle sociale dérivent du racisme.
Faites miroiter au petit peuple–aux hommes surtout– l’ illusion de participer à ce glamour footballistique afin qu’ils s’identifient aux stars du ballon rond–et vous pourrez leur faire avaler les mesures antisociales les plus contraires à leurs intérêts. Car pour rouler les pauvres dans la farine, il faut faire en sorte qu’ils s’identifient aux riches–c’est une stratégie classique de la droite (cf Trump).
Donc à quoi servent ces grandes liesses populaires? Elles servent à faire oublier au bon peuple qu’il est écrasé et exploité et à créer entre lui et ceux qui sont de l’autre bord une solidarité parfaitement artificielle sur la base d’une soi–disant unité nationale qui transcenderait les classes sociales . En clair, ça sert à escamoter la lutte de classes. Toutes proportions gardées, ça évoque la stratégie de création des corporations (union entre dirigeants/patrons et ouvriers) instaurées par Vichy et les régimes fascistes
Surtout, donnez leur ces bains de foule où l’on se sent extatique et fort parce qu’on a la puissance de milliers d’invidus derrière soi–où l’on ne fait plus qu’un avec tous au point où la personnalité de chacun se dissout dans la masse, et où tout le monde, par effet de groupe, finit par faire la même chose au même moment. Hurler, huer, trépigner, gesticuler comme un seul homme–mais cet homme est généralement un beauf raciste, sexiste et guidé par les pires instincts.
Cette méthode très efficace de laminage de l’individualisme par la participation à des grandes manifestations de masse a été utilisée avec succès par les dictatures pour formater les citoyens à la soumission aux impératifs du groupe et pour les transformer en clones enregimentés.
Les foules sont par définition stupides et souvent brutales et meurtrières: elles vandalisent, pillent, lynchent, et massacrent–généralement les faibles et les marginaux. Les dictateurs sont produits par les foules. Toute personne qui a besoin de se retrouver à brailler avec une foule pour exulter est du fait même manipulable.
Le jour où j’aurai absolument besoin d’un shoot de fierté nationale, je penserai plutôt à Marie Curie ou à Simone Weil qu’à Griezman.